Samedi 1er Octobre - Affaire Buffet-Bontemps: Sandrine Roussel témoigne

Publié le par Sam Fisher

 

Bar-sur-Aube - Quarante ans ont passé depuis l'affaire Buffet-Bontemps. La fille du surveillant tué à Clairvaux en 1971 témoigne sur ce qu'elle a vécu depuis

 

Sandrine Roussel n'a pu connaître son père qu'au travers de photos et des témoignages de son entourage

 

Il y a quarante ans, la centrale de Clairvaux vivait ce qui reste dans l'histoire comme l'affaire Buffet-Bontemps. Aujourd'hui, après une cérémonie du souvenir organisée dans l'intimité à la prison, la fille de Guy Girardot, surveillant pénitentiaire tué au cours de la nuit du 21 au 22 septembre 1971 en même temps que l'infirmière de la Croix-Rouge française Nicole Comte, accepte de témoigner de cet événement tragique qui lui a valu de grandir sans son père.

 
Sandrine Roussel nous reçoit dans sa maison de Bayel. Dans le salon, sur le buffet, une photo de ce père qu'elle n'a pas connu mais qui a toujours été là aux travers des gens qui l'ont entourée ou qu'elle a rencontrés.

 


« Je suis née le 21 février 1970. J'avais dix-neuf mois quand c'est arrivé. Je n'ai aucun souvenir de mon père. C'est la photo que j'ai depuis mon enfance », constate-t-elle.

  


Si elle n'a pas de souvenir de son père vivant, l'émotion est bien présente quand elle évoque celui avec qui elle aurait dû grandir et se construire. Car le « manque » est bien là. « On m'a pris mon père », assène-t-elle, consciente que sa vie et celle de sa mère auraient été bien différentes sans cette tragédie. « J'ai été élevée par mes grands-parents maternels. Ma mère commençait son travail en décembre 1971. Heureusement qu'ils étaient là pour elle », sourit-elle. Trois mois après la tragédie, la mère de Sandrine rentrait en effet « dans les bureaux » à la prison centrale car, à l'époque, à Bayel, quand il s'agissait de trouver du travail, c'était ça ou l'usine.

  


« À l'école, à l'époque, c'était rare, des enfants qui n'avaient pas leur papa. Quand ma fille a dit le mot "papa", j'étais heureuse. Je me suis dit : "Elle va avoir une famille." Moi, j'ai été plus qu'entourée et gâtée mais je n'ai jamais dit "papa" », ajoute-t-elle.

  
La façon dont on lui a appris comment son père était décédé, elle ne s'en rappelle plus : « Ma petite enfance, j'ai dû la mettre de côté, quelque part. Est-ce qu'inconsciemment, j'ai fait ça pour me protéger ? » s'interroge-t-elle.


« Je n'arrive pas à leur pardonner »


Pour tenter de connaître l'histoire, elle essaie de lire le livre écrit à l'époque : Tragédie à Clairvaux. La vérité sur Buffet et Bontemps de René Vigo. « Je l'ai relu plusieurs fois mais je ne l'ai jamais lu jusqu'au bout. C'est égoïste, je sais, mais ils ne devaient pas être là (Nicole Comte et Guy Girardot, ndlr) et c'est ce jour-là que ça arrive », raconte-t-elle. Quant au fait que Buffet et Bontemps ont été guillotinés en 1972, elle constate simplement : « S'ils avaient été là, je ne pense pas que j'aurais pu me construire comme je l'ai fait. De les savoir là alors que je n'aurais pas eu mon père… Je n'arrive pas à leur pardonner. »

 


« Ça fait 40 ans mais pour nous c'est tous les ans », ajoute-t-elle à propos de la cérémonie du souvenir qui a eu lieu à la prison le 21 septembre. Une cérémonie qui a beaucoup touché la famille Girardot.

 


Ce qu'a vécu sa mère au moment où Guy Girardot est décédé, elle en prend réellement conscience lors des obsèques d'un autre surveillant tué au cours d'une évasion de Clairvaux le 11 septembre 1992. « Quand c'est arrivé à Marc Dormont, c'est là que j'ai réalisé. J'ai ressenti le deuil, l'ambiance, la tension. Je me suis dit : "Mon dieu ! Elle a vécu ça" », raconte-t-elle en pensant à sa mère avec qui elle entretient une relation très forte.

 


À Bayel, on se souvient toujours de son père. Et si les gens ne font pas toujours le rapprochement tout de suite - Sandrine porte son nom d'épouse -, lorsqu'ils comprennent, elle devient alors « la fille du Guy-Guy » : « Je suis contente. Ça me fait plaisir. Il était aimé et apprécié. »

1. Roger Bontemps a été défendu en 1972 par Robert Badinter. Si ce dernier n'a pu éviter la peine de mort à son client, l'affaire a marqué le début de son combat contre la peine de mort.

 

L'est-éclair...

 

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