Samedi 27 Août - Saïd Bahmed, le web et le tribunal

Publié le par Sam Fisher

«Il est où, le vrai Saïd Bahmed ? », interroge le président Depoulon. « Dans celui qui pleure devant les gendarmes ou celui qui veut ‘’fumer’’ les agents de l’administration pénitentiaire ? »

 

 

« Je ne suis pas grand-chose, moi, Monsieur. Je suis dans une prison de fous, avec des gens qui braquent, qui tuent. J’ai rien à faire avec eux. Je pouvais pas me défendre. C’est pour ça que j’en suis arrivé là ! »

 

L’explication de l’évasion de Saïd Bahmed, le 27 juin dernier, du palais de justice de Besançon, tient en ce court échange. Un insupportable petit délinquant tombé, à force de caprices et de coups de tête, dans la cour des grands. D’une prison à l’autre, jusqu’à celle du centre de détention de Châteaudun où les caïds vous donnent des ordres qu’il est improbable d’ignorer.

 

25 ans, 21 condamnations à son casier judiciaire, la violence à fleur de peau, Saïd Bahmed, malgré ses états de service entamés à 14 ans, n’est pas de taille. Au bout de 4 ans ½ d’emprisonnement, deux permissions de sorties ouvrant sur la perspective d’une libération conditionnelle, il craque, ne rentre pas et reprend six mois sans autre résultat. La prochaine occasion sera la bonne. Un relâchement de sa garde, une course éperdue, quatre heures de planque dans un traje de la Boucle de Besançon et retour à la maison en bus. « Moustique » a les poignets si fins qu’il s’extirpe seul des menottes.

 

Et puis il fait une mauvaise rencontre, celle de l’équipe de Teuchiland.TV qui, flairant l’aubaine d’un voyou évadé et fin hâbleur, tourne une vidéo qu’elle lance sur le net. Le buzz, 540.000 vues à ce jour, c’est énorme et l’agacement des internautes à la hauteur de ses propos narquois. Quelques jours après ses exploits médiatiques, Saïd Bahmed est en garde à vue.

 

« Trop de prison, pas assez d’école »

 

« Qu’est-ce que vous allez devenir ? On se fait du souci, pour vous et surtout pour ceux qui pourraient se retrouver face à vous ! », poursuit le président Depoulon. « Je ne sais pas. J’ai peur. Je repars à zéro. J’ai fait 4 ans pour rien et je vais reprendre 4 ans. » C’est la complainte de l’enfant perdu des « Clairs-Soleils », toujours renvoyé à la case prison. L’évasion : « Dehors, je ne serai plus énervé, plus excité, je n’aurai plus besoin de crier ! » La vidéo : « J’ai trop fait de prison et pas assez d’école. J’aurais pu m’exprimer mieux et on m’aurait compris. »

 

Rien n’est le fait du hasard, estime pour sa part le procureur Parietti pour qui « les faits sont clairs et nets. Saïd Bahmed a une très faible résistance à la frustration qui le conduit à des réactions extrêmes. Il souhaite revenir à la maison d’arrêt de Besançon où il compte onze comparutions devant la commission de discipline. Sa vidéo postée sur You Tube avait pour titre la liberté n’a pas de prix. Si, elle a un prix, celui de vivre dans la droiture et le respect des règles qui régissent la société. » Elle requiert « une peine qui ne soit pas inférieure à 18 mois ferme. »

 

Me Catherine Bresson connaît son Bahmed par cœur. « Il y a 15 ans, c’était mon premier client. À Châteaudun, il entre en enfer. Il a des problèmes avec des détenus, avec des surveillants. Il subit des violences, alerte, crie, explique mais on ne fait rien. Ses plaintes, c’est du vent. La France est pointée du doigt pour les conditions de détention qu’elle impose. Si ce procès sert à quelque chose, c’est peut-être à dire ça. »

 

Saïd Bahmed est condamné à une peine minimale qui représente un encouragement à enfin se ressaisir, 12 mois d’emprisonnement dont 3 avec sursis mise à l’épreuve. Libérable avant son évasion en février 2012, il a écopé depuis d’une peine de six mois pour un retard de retour de permission et d’un an, dont il a fait appel, pour des violences sur sa concubine, prononcé le jour de sa dernière évasion.

 

Quant à la vidéo, l’outrage que l’on veut y relever ne résiste pas à la loi de 1881 sur la presse qui s’applique à internet. Ce sera une relaxe.

 

Fred JIMENEZ

 

L'Est Républicain...

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